Vous connaissez le Big Mac, testez le Big McKinsey, aussi toxique, aussi riche, mais pas en calories. Lui, c’est en devises et en notes d’honoraires qu’il déborde. McKinsey, c’est le plus fameux cabinet de conseil au monde. Siège social : l’État – minuscule – du Delaware, le paradis fiscal dont Joe Biden fut le sénateur à vie et qui permet à McKinsey de ne pas payer d’impôt sur les sociétés en France tout en déclarant qu’il s’en acquitte. Surnom : la « Firme », comme dans le film de Sydney Pollack. Client le plus connu sous nos latitudes : Emmanuel Macron, associé-gérant chez Rothschild, dont les appointements stratosphériques ont mystérieusement disparu, du moins dans sa déclaration de patrimoine, élu le 7 mai 2017 à la tête de la France et qui, depuis, recase ses petits copains de chez McKinsey.
L’État ? Porté disparu
Le nom de McKinsey est associé à une avalanche de scandales depuis l’affaire Enron au tout début des années 2000, le plus grand maquillage des comptes de l’histoire du capitalisme. La plus sordide de ces affaires étant la crise des opioïdes, qui s’est traduite par un demi-million de morts par overdose aux États-Unis, rendus toxicodépendants aux antidouleurs grâce aux recettes marketing que McKinsey revendait à Big Pharma. McKinsey a dû verser en février 2021 la bagatelle de 573 millions de dollars de dommages pour clore les poursuites engagées contre lui. La foule qui criait « Macron assassin » place du Trocadéro ne pensait pas à mal ; pas dit que les familles du demi-million de morts des opioïdes partagent cet état d’esprit pour les amis américains du président Macron.
Tout le monde le sait : les conseilleurs ne sont jamais les payeurs. La sagesse populaire est sur ce point irréfutable et ce n’est pas Emmanuel Macron qui la réfutera. Ainsi les conseilleurs s’appellent-ils dorénavant les cabinets de conseil. Le président de la start-up nation veille à ce qu’ils soient payés comme des footballeurs. Pour eux, pas de coupe budgétaire. Plus d’un milliard d’euros, c’est le « pognon de dingue » que l’État français leur a versé l’an dernier pour plancher sur des quiz dignes du brevet élémentaire, du genre quelle évolution pour le métier d’enseignants. On n’ose parler de scandale d’État tant l’État semble ici une expression abusive. S’il y a du reste un scandale, c’est que l’État lui-même a été externalisé. Ceux qui fantasment sur l’État profond devraient se rendre à l’évidence : l’État profond de Macron, c’est un pays sans souveraineté, sans volonté, vidé de sa substance.
Le management du pédantisme
Les consultants, c’est le truc à la mode. Quand notre président a fermé l’ENA, il n’a fait qu’entériner cet état de fait, les hauts fonctionnaires sont une marchandise largement dévaluée, la fonction publique un organe hypertrophié improductif. De toute façon, les gouvernements sont tellement nuls, les chefs d’entreprise tellement incompétents qu’ils ne peuvent pas ne pas solliciter les avis des cabinets de conseils aux honoraires exorbitants, généralement anglo-saxons, qui vendent du vent sur des tableurs Excel. Hier, c’étaient les espions soviétiques qui s’infiltraient dans les rouages de l’État. Aujourd’hui, ce sont les cabinets. Les espions volaient de vrais renseignements ; ceux que délivrent les cabinets sont faux, inutiles et redondants. Tel est le consulting, en bon franglais. Fini le jargon idéologique truffé de « isme », communisme, nazisme, totalitarisme. Le suffixe « ing » a tout recouvert, marketing, engineering, lobbying. Les États-Unis ont gagné la guerre, dont la guerre des mots. Le triomphe des « ing » n’est guère menacée que par un nouveau venu, la « tech », biotech, foodtech, etc. Même le préfixe « éco », mis à toutes les sauces, a pris un coup de vieux. La novlangue « corporate » règne en maître, au même titre que ces cabinets qui dispensent des conseils uniformes au monde entier. Pensée managériale, disent-ils. Ô pédantisme. Ces cabinets valent les médecins de Molière en matière de mots pompeux, même s’ils ne parlent pas latin. Leur idiome à eux, c’est le baratin. Notez que le résultat est le même : ils prescrivent purges et saignées – et perçoivent leurs notes d’honoraires : salées. Le médicament étant pire que le mal, on les sollicite de nouveau pour soigner les effets secondaires du médicament, et ainsi de suite. L’effet yo-yo en somme, comme avec les régimes amaigrissants. Tu perds 30 kilos et tu en regagnes 50, le cholestérol et le diabète en plus.
L’histoire, un cimetière d’aristocraties
Si Macron est l’idole des consultants, c’est qu’il est un des leurs. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Alain Minc. Il a nommé son pote Éric Labaye, ex-directeur associé McKinsey, à la tête de Polytechnique. Paul Midy a fait lui le chemin inverse : de McKinsey à la direction générale de La République en marche. Mais mon préféré, c’est le fils de Laurent Fabius, pas Thomas, l’enfant terrible qui a laissé des ardoises vertigineuses dans tous les casinos de la planète (3,5 millions à Las Vegas) ! Non, non, mon préféré, c’est Victor, fils cadet du président du Conseil constitutionnel : il est directeur associé chez McKinsey. C’est son gentil papa qui valide les lois que votent les députés godillots LREM ! Ah, c’est beau la consanguinité, plus beau que l’affaire du sang contaminé où a trempé son papa. Contaminée, c’est pourtant bien le mal qui affecte nos élites. Elles ne jurent que par le marché, mais ne connaissent que l’État dont elles sont la classe parasitaire par excellence, cumulant les défauts du public et les tares du privé. L’inertie et la rapacité. Ces élites ont ceci de particulier qu’elles sortent à la fois des meilleures écoles et d’un roman de Bret Easton Ellis, façon American Pyscho : elles sont arrogantes, immatures, narcissiques, criminelles (les opioïdes). Nous voici au cœur du dévoiement de l’intelligence, par quoi se caractérisent les décadences. Les meilleurs – autrement dit les aristoï, en grec (qui donnera aristocrates) – sont désormais les pires. Vilfredo Pareto, le grand théoricien de la production des élites, disait dans un passage fameux de son très épais Traité de sociologie générale que l’histoire est un cimetière d’aristocraties. Aujourd’hui, c’est un cimetière de morts-vivants. C’est ce qui rend ce monde si inquiétant.
Le scandale McKinsey qui éclate en France depuis quelques jours est bien loin de se limiter aux seuls gros titres des médias mainstream affirmant que McKinsey est accusé d’évasion fiscale de grande envergure. Il est probable qu’une telle évasion ait eu lieu, probable qu’elle se chiffre en millions d’euros et probable qu’Emmanuel Macron prenne son peuple pour des idiots lorsqu’il se déclare choqué par un tel procédé. Lui qui a fait gagner plus d’un milliard d’euros d’argent public français à McKinsey et autres cabinets de conseil privés, durant la seule année 2021 pour leurs prestations auprès de l’intégralité des ministères de son gouvernement. Nous y reviendrons.
Le scandale McKinsey est en effet loin de se résumer à cette partie émergée de l’iceberg. Bien plus qu’un scandale fiscal c’est d’abord et avant tout une affaire de trahison philosophique. J’avais alerté dès le mois de février 2021, suite à un article du journal américain Politico, sur la façon dont les lobbies américains, les cabinets de conseil, étaient en train de faire main basse sur les affaires de la France.Était-il normal que McKinsey pilote le plan de relance économique de notre pays et obtienne des contrats de défense ? Que le service national soit dévolu au Boston Consulting Group ? Que Microsoft Corporation décroche des subventions publiques pour centraliser les données de santé des Français malgré l’avis de la CNIL ? Malgré l’avis de la CJUE ? Cédric O avait déclaré que le gouvernement reviendrait sur cette gestion des données de santé françaises par un gestionnaire américain après les prochaines élections car la période actuelle était “sensible” politiquement. Pensent-ils déjà avoir gagné ? Toujours est-il que Monsieur O a depuis annoncé qu’il quittera la politique après la présidentielle…
Était-il normal que les réunions sur la campagne de vaccination Covid-19 au ministère de la Santé soient dirigées par un consultant de McKinsey et non par un représentant de l’État ? Il est dès lors surprenant que tout le monde se scandalise aujourd’hui de ce qui était déjà notoire et scandaleux il y a un an de cela. Un an dites-vous ?
Mais Emmanuel Macron lui-même, interrogé sur cette affaire a pensé se dédouaner en affirmant que la pratique de l’État de recourir à des cabinets de conseil privés existait déjà sous les mandats de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. La pratique n’est tout simplement jamais devenue aussi massive et assumée que sous le mandat de ce président, candidat à la réélection.
Mêmes causes, mêmes acteurs, mêmes effets
Il n’est donc pas étonnant qu’outre-Rhin, les mêmes causes aient pu avoir les mêmes effets. Ursula von der Leyen, alors ministre allemande de la Défense, avait déjà suscité le scandale en 2018. Et pour cause, à ce poste, elle avait dilapidé près de 100 millions d’euros d’argent public pour rémunérer plusieurs cabinets de consultants… dont McKinsey. Le résultat est sans appel ; au moment où suite à l’invasion de l’Ukraine chaque pays de l’Union européenne compte ses troupes, ses matériels de combat, ses munitions, le chef d’état-major de l’armée allemande (Bundeswehr) déclare que « la Bundeswehr est plus ou moins à sec » face aux besoins de l’Alliance atlantique. Beau résultat.
On ne s’étendra pas sur l’influence grandissante des lobbies sur la Commission européenne depuis que Madame von der Leyen en est devenue la présidente. Cisco, Bill Gates, Global Citizen, Pfizer, autant d’acteurs avec lesquelles la Commission signe de nombreux contrats, qui peuvent se compter en milliards d’euros comme on l’a vu avec l’achat de milliards de doses de vaccins Pfizer.
Des élites unies par l’idéologie mondialiste
Que David von der Leyen, fils d’Ursula, ait été associé du cabinet McKinsey n’est pas un crime en soi. De même que Victor Fabius soit également associé de ce même cabinet, cabinet qui a inspiré la stratégie vaccinale du gouvernement français, validée par le Conseil constitutionnel dont le président est son père Laurent Fabius ne démontre pas qu’il y ait eu autre chose que de faibles interférences. Mais cela démontre de façon éclatante et spectaculaire, la proximité idéologique qui existe entre tous ces différents acteurs.
En France, le rapport publié par le Sénat sur le rôle des cabinets de conseil privés sur l’action gouvernementale montre que tous les secteurs sont touchés et tous les sujets les plus explosifs du dernier quinquennat ont été impactés par ces officines.
L’optimisation de la logistique hospitalière qui a laissé nos hôpitaux si démunis face à l’épidémie. La gestion des radars routiers, qui furent l’un des symboles de la colère des Gilets jaunes. La distribution des professions de foi électorales, dont la gestion catastrophique lors des dernières élections régionales et départementales avait été reconnue par le ministre de l’Intérieur lui-même.
Capgemini, Deloitte, McKinsey, autant d’associés de la start-up nation chère à notre “Mozart de la politique” ayant fait ses classes chez Rothschild. On comprend bien désormais, d’où pouvaient provenir ses brillantes idées lorsque membre de la Commission Attali, Emmanuel Macron proposait de se débarrasser de la dissuasion nucléaire « qui ne servait à rien » car cela permettait d’économiser 4 milliards d’euros.
Ce qui est une faute morale, c’est la volonté d’un président, d’un gouvernement, élus par les Français, de mettre les plus grands corps de notre administration, de l’Inspection générale des Mines et des Ponts à la Cour des Comptes, aux ordres des cabinets de conseil étrangers dont la logique profonde ne sera jamais celle de l’intérêt du peuple, mais de la rentabilité financière qu’engendreront les “réformes des services publics”.
Les Français bénéficiaires de l’Aide pour le Logement, seront ravis d’apprendre que c’est McKinsey qui avait proposé la réduction de 5 euros de cette aide consacrée aux plus démunis. McKinsey qui n’a payé aucun impôt sur les sociétés en France depuis dix ans…
La France est pourtant, historiquement, le pays du monde qui a été le précurseur du concept d’État. Son administration a jusqu’à il y a peu été grandement réputée dans le monde entier. L’École nationale d’Administration était le symbole de l’excellence intellectuelle française. Emmanuel Macron a bénéficié de cet enseignement d’excellence lui permettant de mettre ses capacités au service de l’intérêt public. Après quelques années comme Inspecteur des Finances, il a préféré se recycler dans le privé pour signer le contrat du siècle actant la fusion entre Nestlé et Danone, gagnant personnellement plusieurs dizaines de millions d’euros avec cette affaire. Son droit.
Mais en revanche, devait-il avoir le droit de dilapider, brader, mépriser, reléguer, tous les hauts fonctionnaires de notre administration, payés par les Français pour servir les Français ? Devait-il avoir le droit de mettre l’intégralité de l’administration française sous la coupe des cabinets de conseil américains ? Juridiquement peut-être. Mais philosophiquement ?
Car ce n’est pas le cabinet McKinsey et autres sociétés privées étrangères qui sont en soi le problème. Ce qui est une faute morale, c’est la volonté d’un président, d’un gouvernement, élus par les Français, de mettre les plus grands corps de notre administration, de l’Inspection générale des Mines et des Ponts à la Cour des Comptes, aux ordres des cabinets de conseil étrangers dont la logique profonde ne sera jamais celle de l’intérêt du peuple, mais de la rentabilité financière qu’engendreront les “réformes des services publics”.
Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen et leurs puissants homologues ne sont finalement que les meilleurs soldats d’une idéologie qu’ils nous imposent à tous, nous citoyens français et européens : le capitalisme mondialisé sous influence américaine.
Et les Français dans tout ça ? Ils se retrouvent trahis. Et de cette trahison, McKinsey n’est que l’outil.