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mercredi 28 août 2019

Les deux mères du Code Macron

Retour sur les déclarations de Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, hier sur BFMTV. Concernant la PMA pour les couples de lesbiennes, la ministre a expliqué que dans l’acte de naissance « ce seront donc deux mères, les parents de l’enfant. » Dans la filiation se met en place un jeu de dames inquiétant.


Ce lundi 26 août, à BFMTV, Madame Belloubet, rapporteur de la future loi de bioéthique, confirme que, dans le cas de couples de lesbiennes ayant recours à une PMA avec donneur, sera inscrite, dans l’acte de naissance de l’enfant, la mention : Mère et mère. Et de dire : « La réalité est celle-là : cet enfant a deux mères, eh bien, elle aura deux mères à l’état civil. Sans doute mettrons-nous, en premier, la mère qui accouche puis l’autre mère ensuite… Ce seront donc deux mères, les parents de l’enfant ». En toute « simplicité » ajoute-t-elle. Admirable malice juridique ! On pressent bien pourquoi la mère qui n’a pas accouché peut être (ou non) la mère mise « en premier ». Et que la mère qui accouche n’est pas forcément la première mère. C’est affirmer, par là, le caractère fictif, libre et construit, de toute filiation moderne, coupée, une fois pour toutes, de la biologie. C’est annoncer la possibilité, sinon l’obligation, que l’une des mères soit donneuse et l’autre porteuse. C’est la négation de l’adage des couples mariés « Mater semper certa est ». Traduction: la mère est toujours certaine car c’est celle qui accouche. De son côté, si Madame Buzyn, le 5 novembre, à LCI, reconnaissait l’impossibilité de nier l’existence du « père biologique », c’était pour mieux laisser entendre qu’un « père » (un vrai, le père d’intention, décalqué du père social du couple hétéro) n’a rien à voir avec la biologie. Drôle de jeu de mots qui échappe au commun des mortels pour lequel le droit devient illisible. Sauf que les juristes sont à demi malins. Car le réel, il faut le redire, est têtu !
Ce n’est un secret pour personne, pas en tous cas pour les médias qui le représentent, à l’envi, le sceptre en main et la couronne de lauriers sur le front, qu’à défaut d’être le leader d’une Europe évanescente et rebelle, le président Macron rêve d’être le Napoléon d’un nouveau Code civil frappé à ses initiales. Napoléon a dit: « Ma vraie gloire ce n’est pas d’avoir gagné quarante batailles… Ce que rien n’effacera, ce qui vivra éternellement, c’est mon Code civil. » Ce qui restera de Hollande, dit-on, c’est le mariage pour tous. Ce que veut Macron, c’est achever l’œuvre du père, avec la filiation pour tous. D’où cet atelier des lois sous la houlette de Madame Belloubet.

Un nouveau code civil, enfant du « progrès »

Le Code civil napoléonien est un compromis sage entre droit romain, droit coutumier et modernité née de la législation civile et révolutionnaire. La Révolution avait apporté un esprit d’égalité et d’amour, donné des droits à la femme et aux enfants illégitimes et naturels. Le code napoléonien ne fit pas avancer la condition féminine. Mais l’ère Taubira est là, avec deux mères pour un enfant, et pas de père. Orphelin et bâtard, tel est l’enfant du progrès. 
Avec ce projet de filiation, l’Etat devient, en effet, une « Fabrique d’orphelins », pour reprendre le titre de l’essai instructif et savoureux (si l’on peut dire) que l’auteur de cet article a écrit dans lequel vous trouverez l’analyse de l’idéologie des nouvelles familles. Le juriste Carbonnier avait regretté la loi qui, pour des raisons compréhensibles, avait autorisé, après-guerre, les femmes seules à adopter des orphelins. Ce matin, les LGBTI crient à la discrimination et veulent un dispositif unique pour tous les couples ayant recours à une PMA avec donneur. 

Retour en arrière

L’adjectif bâtard, lui, venu du latin médiéval, veut dire « d’origine incertaine ». Napoléon avait insisté pour que « le bâtard » ne puisse faire preuve de sa filiation paternelle. « La société n’a pas intérêt à ce que les bâtards soient reconnus ». Or, c’est justement à « la bâtardise » du XIXème siècle que le projet de loi revient puisqu’il prive l’enfant, délibérément, de sa filiation paternelle. Et donc d’héritage. Avec cette loi, nous reviendrions, en toute « simplicité », à un état antérieur à celui de la Révolution, quand l’enfant « naturel » était reconnu.Madame Mecary ne me contredira pas: elle répète inlassablement aux sourds que nous sommes qu’« aucun lien de filiation ne peut être établi entre le donneur et l’enfant ». Comment, dès lors, un enfant pourra-t-il faire un recours en paternité ? Ce retour en arrière à la « bâtardise », Aude Mirkovic, professeur de droit, l’a dénoncé récemment, en connaissance de cause, soulevant l’indignation, pour ne pas dire plus, des féministes, ignorantes de la signification du mot bâtard.
Pour finir, un exemple illustratif de l’incohérence juridique de ce projet de loi. Imaginons deux femmes en couple avec un enfant. L’enfant, à 16 ans, tombe amoureux de la compagne de sa mère. Qui empêchera juridiquement l’adolescent d’avoir une relation avec « sa mère » et de l’épouser? Woody Allen n’a-t-il pas épousé la fille adoptive de sa femme? La levée à géométrie variable de l’anonymat (deuxième plat juridique à servir bientôt) ne résoudra pas le problème physique, psychologique de cette comaternité, pour le coup très fictive. 

Taubira la révolutionnaire, Macron le transgressif

On se souvient de la cour du Louvre, un soir de 2012, avec la mise en scène de la famille du président. La révolution du Code de la famille, Macron l’a en tête depuis toujours. C’est àTêtu qu’il avait d’ailleurs expliqué les différentes filiations possibles. Un article de Gala du 5 mai 2017 titrera: « Un papy exemplaire de 39 ans ». Le magazine rapporte les propos du président concernant « une filiation qui se construit, se conquiert, qui ne vous doit rien et que vous n’aurez pas. » Que le Président se rassure: l’immense majorité des Français ne veut pas de cette « filiation pour tous » et dénonce un abus de droit sur l’enfant.
Madame Taubira était révolutionnaire. Emmanuel Macron est transgressif. Si le Code civil  napoléonien sur lequel nous vivons encore —jusqu’à preuve du contraire— a abouti, c’est parce que nécessité faisait loi, que Bonaparte avait à son service des juristes exceptionnels, que lui-même n’obéissait pas à une idéologie mais qu’il avait le souci politique de la paix civile et de la réconciliation. Il savait que l’autoritarisme n’est pas l’autorité. Aussi la question demeure-t-elle, lancinante: comment peut-on faire croire au peuple français épris de liberté, d’égalité et de fraternité, qu’un enfant né en France a « deux mères » pour parents ? Prenons garde de ne pas prendre au sérieux le jeu de dames juridique terrifiant qui se joue, en ce moment, sous nos yeux.

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jeudi 22 août 2019

Céline Pina, l'entretien



Spécialiste des collectivités locales, membre du PS durant de longues années, ex-conseillère régionale d’Île-de-France, suppléante d’un député PS, rien ne donnait à penser que Céline Pina, petit soldat du socialisme au pouvoir, ruerait dans les brancards. C’est pourtant ce qu’elle a osé, en 2015, dénonçant le « Salon de la femme musulmane » qui se tenait à Pontoise. Que n’avait-elle pas fait là ! Briser l’omertà, quel sacrilège ! Vilipendée, exclue, poursuivie à l’occasion par les islamistes qui savent reconnaître leurs ennemis, toujours vaillante, elle a publié un premier livre en 2016, Silence coupable, et en prépare actuellement un second. Cette femme courageuse, pour laquelle j’ai une vraie admiration, a bien voulu répondre à mes questions.
JPB. Alors, Céline Pina, toujours islamophobe, paraît-il ? Puisque c’est ainsi que vous qualifie le CCIF…
CP. L’islamophobie est une escroquerie intellectuelle qui vise à rétablir la notion de blasphème en interdisant toute critique de l’Islam. Dans les faits, si le CCIF accuse notre société, comme les individus qu’il cible, d’être islamophobe, c’est que cette institution, relais de l’idéologie des frères musulmans, ne supporte ni la liberté d’opinion, ni la liberté d’expression, encore moins celle de conscience. A cela s’ajoute le refus que la femme soit l’égale de l’homme, la culture du ressentiment, la volonté séparatiste et le refus d’intégration.
En faisant passer les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité que défendent les républicains laïques pour un rejet des musulmans, ce sont les islamistes qui les stigmatisent en tentant de les enfermer dans un communautarisme qui ne leur permet pas de trouver leur place au sein de notre société et qui les enferment dans une vision obscurantiste, impérialiste et intégriste de leur religion. En attendant, en accrochant cette étiquette « islamophobe » au dos de ceux qui défendent les idéaux universels le CCIF avertit les intellectuels courageux : défendre la liberté se fera à leurs risques et périls car ils seront désignés comme des cibles par les petits soldats de l’islam politique, seront fragilisés dans leur milieu professionnel, attaqués dans le cadre du jihad judiciaire et ne seront ni défendus ni protégés par leur gouvernement.
JPB. Pendant 25 ans, vous avez été un bon petit soldat du PS. Quelle mouche vous a piquée en 2015 ? Quelle idée de dénoncer le sort réservé aux femmes par l’Islam, à l’occasion du Salon de la femme musulmane à Pontoise ? Et de stigmatiser le « silence assourdissant » du député Dominique Lefebvre, dont vous étiez suppléante ?
CP. J’étais déjà choquée à l’époque par la médiocrité du milieu politique dans lequel j’évoluais mais aussi par une réelle absence de contrôle des actes des collectivités locales alors que l’argent public qu’elles investissent est conséquent. En 2014, au moment du renouvellement municipal, tous les élus de l’agglomération où j’habitais ont reçu une lettre de la directrice des Finances de la principale ville du regroupement qui dénonçait nombre d’atteintes aux marchés publics. Que ces accusations aient été fondées ou non, nous ne le saurons jamais. Ce qui m’a choquée alors, c’est l’omertà totale qui en a résulté et le réflexe corporatif qui a eu lieu. Un réflexe d’autant plus fort que certains employés de l’agglomération étaient aussi époux ou parents des élus qui siégeaient. Un népotisme qui ne paraissait déranger personne. Or ce même népotisme est combattu au Parlement, alors que les députés ne gèrent pas les budgets conséquents à disposition des élus de grandes villes ou de grosses agglomérations. Là où l’argent public est présent en quantité, le contrôle de l’Etat est indigent. Cette situation favorise la corruption et le soupçon. Le courrier de cette fonctionnaire et le refus de regarder en face les conséquences du manque de contrôle en matière de corruption au sein d’un parti qui n’avait que la morale à la bouche m’avaient déjà découragée.
Ajoutez à cela le clientélisme qui fermait les yeux des élus sur la montée de l’idéologie islamiste, la haine du Blanc et de l’Occident qui se répandait dans les quartiers, la réalité de l’antisémitisme et les atteintes portées à l’égalité femmes-hommes et vous comprendrez que lorsque j’ai appris la tenue de ce salon, que j’ai écouté les discours des prédicateurs invités qui justifiaient pêle-mêle le viol des femmes non voilées, appelaient à la haine des juifs et expliquaient à des enfants que s’ils écoutaient de la musique ils allaient se transformer en porcs ou en singes, j’ai jugé qu’il était de mon devoir d’élue d’intervenir. Le fait que les autres grands élus du territoire et notamment le député de l’époque, Dominique Lefebvre, aient choisi de se taire parce qu’ils pensaient que cela leur assurerait le vote musulman sur lequel ils avaient bâti une grande partie de leur stratégie électorale me paraissait relever d’une double trahison. D’abord à leurs devoirs d’élus qui impliquent que l’on fasse passer la défense de ce qui fonde notre contrat social et nous fait exister en tant que société constituée avant la défense de son mandat et des avantages personnels que l’on en retire. Aux Français de confession musulmane ensuite, dont une partie notable n’a aucune sympathie envers les islamistes et aspire aussi à l’émancipation et à l’égalité.
JPB. Avez-vous eu conscience, à l’époque, que vous entamiez une procédure de divorce avec votre ancienne famille politique ?
CP. Oui. Mais il y avait eu Charlie et le retour de l’assassinat politique. Combattre cette violence me semblait plus essentiel que donner des gages de loyauté à des personnes sans envergure ni conscience. Ces passages à l’acte étaient liés au développement d’une idéologie parfaitement identifiable, dont les plus habiles propagateurs étaient les Frères musulmans, et dont la propagande était relayée par des organisations qui avaient pignon sur rue (UOIF,CCIF…). Or au PS, faire le lien entre imprégnation de l’idéologie islamiste, retour de la violence terroriste, mais aussi montée de l’antisémitisme et fragilisation des droits des femmes vous valait déjà des procès en racisme et fascisme. Pourtant les effets de ce travail de radicalisation se voyaient au quotidien dans le voilement des femmes et des fillettes, dans le départ des Français de confession juive de nombre d’écoles et de certaines villes ou quartiers, dans la recrudescence des revendications communautaires. Or sur tous ces sujets, mon parti d’alors témoignait d’un aveuglement qui à un moment ne relève plus naïveté, mais de la complicité. Et je ne voyais pas la position d’élu comme une sinécure où l’on n’a rien d’autre à défendre que son poste, tout en faisant croire aux citoyens que l’on est porté par des convictions et un réel désir de servir son pays. Pour moi cette position était de celle qui obligent. Sur les conséquences de ce choix, j’étais sans illusion : en étant la seule à dénoncer cette atteinte aux principes et idéaux qui fondent pourtant notre contrat social, je mettais d’autant plus en relief l’absence de courage et de capacité à défendre ce que nous sommes en tant que peuple de celui qui était alors le député du territoire. Dominique Lefebvre. L’ayant fait au nom du devoir et sans avoir d’alliés, je savais que je serais attaquée par l’appareil, ne serais défendue officiellement par aucun des grands élus qui pèsent et perdrais toute chance d’investiture pour les élections. C’était la fin de ma carrière politique. J’ai juste estimé que cette cause valait de lancer mon chant du cygne.
JPB. À cette époque, Rachid Temal, aujourd’hui sénateur PS, vous menace d’expulsion, on vous accuse de faire le jeu du FN — et de fait, ce sont surtout des organes de presse réputés « de droite » qui vous accueillent désormais. Comment vit-on une exclusion alors même que l’on sait que l’on a raison ?
CP. Cela peut mettre très en colère et c’est souvent un des buts. Quand on se sent victime d’une injustice, on peut perdre son calme et le sens de la mesure et se tirer soi-même des balles dans le pied. En vous mettant en accusation d’être devenu ce que vous combattiez, on tente de vous décrédibiliser totalement. C’est déjà violent en soi. Mais surtout ce qui m’a choquée c’est que des personnes comme Rachid Temal ou Dominique Lefebvre ne pouvaient que se douter qu’en m’attaquant aussi violemment après le massacre de Charlie, cela pouvait me mettre en danger. Cela ne les a pas arrêtés une seconde. Or comment faire confiance à des personnes, dont la première des fonctions est de protéger leurs concitoyens, quand confrontés à une parole courageuse et indépendante mais qui les contrarient, ils ne songent qu’à la faire taire sans autre considération que leur propre intérêt. Cette inhumanité souvent présentée comme une force en politique est consternante. Malheureusement elle faisait partie de la logique de l’appareil et plus jeune, l’on peut malheureusement y succomber.
La presse dite de gauche, elle, n’existe plus. On a certes une presse dominée par l’idéologie islamo-gauchiste, mais la qualifier de « presse de gauche » est une insulte à la gauche, historiquement émancipatrice, soucieuse de justice sociale et défendant l’égalité des droits. D’ailleurs cette presse-là est en train de connaître le destin du PS : lui n’a plus d’électeurs, elle, plus guère de lectorat. Ses titres sont portés à bout de bras par des hommes d’affaires dont il faudrait un jour interroger les motivations et les alliances. En effet, conserver ces titres n’a plus guère d’autres intérêts qu’investir le champ de la représentation. Le Monde, Libération, L’Obs vivent de leur réputation et de leur image. Ils restent des références pour ce qu’ils ont été, même si ce qu’ils sont devenus trahit leur histoire. Ils ont encore le pouvoir d’être crédités de « dire » le réel. Les conserver permet d’imposer dans le débat des thèmes que rejettent les Français et de garder le pouvoir de dire le licite et l’illicite, de faire des réputations, de lancer des leaders d’opinions. Cela ne fait que creuser la fracture française et ajoute au désarroi de la majorité des français qui ont le sentiment que leurs élites vivent dans un autre monde. Cela explique aussi le fait que les journalistes ont réussi à décrocher une triste palme : ils sont aussi déconsidérés que les hommes et femmes politiques. Je pense que le temps finira par rendre justice à cette triste presse. Mais j’avoue m’en désintéresser totalement aujourd’hui.
JPB. De fait, pensez-vous que l’axe droite / gauche est encore fonctionnel en France ? Ne pensez-vous pas que l’opposition, désormais, est entre une oligarchie qui est indifféremment de droite et de gauche (et dont Macron est le symbole évident) et un peuple dont on n’entend plus la parole — sauf quand il descend dans la rue ?
CP. Il y a effectivement un vrai problème de représentation car aujourd’hui la majorité de la population ne s’exprime plus, qu’elle arrête de voter ou qu’elle vote blanc, faute d’offre politique qui la représente. Le peuple s’est mis en retrait et ce qui est de plus en plus mis en scène c’est une opposition entre l’oligarchie et la populace, pas le peuple. Les vrais gilets jaunes étaient des travailleurs qui ne voulaient pas casser mais voulaient être vus et entendus par le pouvoir. Dans la mise en scène oligarchie contre populace, le peuple est encore une fois évacué. Le pas de deux est parfait. La peur de l’agglomération black-bloks-islamistes-extrême-droite soude l’électorat de Macron qui craint pour ses avantages et sa position et le fait payer à coup de mépris social et d’indifférence à cette France périphérique dont parle si bien Christophe Guilluy. Cela crée un désespoir social qui fait que la perspective d’une accession au pouvoir de l’extrême-droite se profile de plus en plus. Et nous en arrivons à cette sordide équation alors même que le peuple français est profondément laïque, républicain et démocrate et ne veut ni de cette oligarchie sans vision ni consistance, ni de l’extrême-droite. C’est à pleurer.
JPB. Nombre de mes étudiantes maghrébines témoignent qu’il y a moins de femmes voilées à Alger qu’à Marseille. Mais certaines se voilent à la sortie des cours pour éviter les problèmes dans leurs cités des Quartiers Nord. Y aurait-il en France une stratégie de la terreur dont les femmes — encore une fois — sont les premières victimes, et les premiers vecteurs ?
CP. On n’en est pas encore à la stratégie de la terreur, mais bien à celle de l’intimidation et de la pression morale et sociale. La stratégie séparatiste que met en œuvre l’islam politique vise à entraîner une partie de la population à faire sécession afin de rendre impossible toute intégration. En imposant le voile, un marqueur identitaire sexiste, comme définition de la femme musulmane authentique, on met en scène un islam incompatible avec cette valeur universelle qu’est l’égalité en droit au-delà du sexe, de la race, de la religion ou de son absence. Cela nourrit un rejet légitime. Aucune société ainsi attaquée dans ses lois et ses mœurs ne se laisse faire sans réagir et on devrait noter sur ce point l’excellente tenue de nos compatriotes alors même que leur ras-le-bol est important et statistiquement mesuré. De l’autre côté, cela entraîne l’enfermement et l’isolement : ne pas mettre le voile dans certains environnements, avant même de vous mettre en danger ou de vous valoir des représailles physiques équivaut à vivre en exil. C’est trahir sa communauté, sa religion, son clan, sa famille. C’est s’exclure sans autre espoir de retour que la soumission. La rupture est tellement violente qu’elle devient impossible.
D’autant plus impossible que ceux qui sont censés être les repères et les incarnations de l’émancipation et de l’égalité, le Président et son gouvernement (l’actuel comme les précédents), ne les connaissent pas, ne les défendent pas, ne les font même plus respecter. Entre des islamistes déterminés qui utilisent tous les moyens de pression et qui mettent en scène leur puissance, un gouvernement français qui s’excuse presque d’être laïque et dont le Président dit que son pays n’a pas de culture et enfin des décideurs qui sont en train de favoriser la main-mise des frères musulmans sur l’Islam en France, si vous étiez une jeune femme issue d’une famille sous influence islamiste, vous n’auriez aucun intérêt à enlever votre voile : vous seriez chassé d’une communauté dans laquelle se reconnaissent tous vos proches pour aller vers une communauté nationale qui ne reconnaîtra pas votre courage et vos efforts car elle ne semble avoir plus ni contour ni définition, même pour les gens qui l’incarnent.
JPB. L’Observatoire de la laïcité, de l’inénarrable Jean-Louis Bianco — qui lui aussi vient du PS —, ne cesse de temporiser et de plaider pour une laïcité à géométrie variable. J’ai moi-même expliqué que l’adjonction d’un qualificatif au mot « laïcité » le réduit automatiquement. À terme, quelles seront les conséquences de ce type de compromission ?
CP. Les conséquences, nous les vivons au quotidien : la France est considérée comme faible tout en étant symboliquement une prise de choix. Les islamistes mettent la pression pour imposer leurs codes culturels dans l’espace visible et celui qui montre le plus leur domination est le voilement des femmes. Avec l’Observatoire de la Laïcité, les islamistes ont des alliés objectifs qui ont réduit l’idéal laïque, idéal autant politique que juridique, à la seule loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, une loi dont ils ne font même pas respecter tous les articles. Les conséquences de cette compromission nous les vivons déjà : c’est ainsi que les accompagnatrices de sorties scolaires peuvent être voilées, donc arborer un signe sexiste et inégalitaire, contraire à nos principes, dans un cadre scolaire censé être protecteur pour de jeunes esprits en formation. On attend avec impatience l’accompagnateur ou l’accompagnatrice qui portera un tee-shirt clamant « vivre l’apartheid ». Après tout, si on autorise les signes sexistes, pourquoi refuser les signes racistes ? Je crains donc que notre faiblesse nous amène, au nom de la tolérance, à autoriser la multiplication des discriminations et de la violence qui les accompagnent. Savez-vous pourquoi le politiquement correct est si important dans les sociétés multiculturalistes, où il n’y pas de communautés nationales mais une juxtaposition de communautés ethniques et religieuse ? Parce que comme elles se haïssent et sont en concurrence, une parole malheureuse peut vite entraîner des drames. Derrière le discours sur le respect, c’est la réalité du mépris racial et ethnique que vivent ces sociétés, non la disparition de ce préjugé.
JPB. Nous avons signé tous deux en avril 2018 le Manifeste contre un nouvel antisémitisme, qui disait clairement que c’est moins dans les rangs de l’ultra-droite que parmi la jeunesse musulmane radicalisée que l’on trouve aujourd’hui les racistes anti-juifs. Les attentats anti-juifs se sont multipliés ces dernières années. Et pourtant, on entend peu de protestations — sinon au rituel dîner du CRIF, chaque année. Un autre « silence assourdissant » ?
CP. En France, il y a une ligne qui va d’Alain de Benoist et Soral jusqu’à Dieudonné, Houria Bouteldja, Alain Gresh, le CCIF et toute la clique des islamistes, et qui fait la jonction entre l’extrême-droite antisémite et l’extrême-gauche «antisioniste» (posture qui comme le racialisme permet d’être antisémite décomplexé sans avoir à l’assumer). Les uns étant les idiots utiles de l’autre et s’exploitant mutuellement.
Du coup, chez nous, plus le projet de contre-société portés par les racistes « post-coloniaux » et les islamistes défait le monde commun et abime nos institutions, plus l’extrême-droite fascisante apparaît comme un recours possible lors des élections. Suivant l’idée que rien ne vaut des méchants extrémistes pour en éradiquer d’autres, c’est dans toute l’Europe que les suprémacistes blancs gagnent des parts de marchés électoraux. Pendant ce temps, à coup de « mais en même temps », de « padamalgame », de refus d’agir et de réagir aux atteintes portées à notre contrat social, les partis traditionnels ou récemment créés comme En Marche apparaissent comme inutiles et incapables. En tout cas ils ne sont pas considérés comme capable d’éviter l’orage qui gronde et risque d’emporter ces valeurs humanistes et égalitaires qui ont construit nos démocraties.
Aujourd’hui un chiffre est révélateur de ce qui se passe en France : les juifs représentent moins de 1% de la population mais subissent quasiment la moitié des agressions à caractère raciste. Et ce n’est pas un hasard. Culturellement et cultuellement, dans certaines familles de pensée et dans nombre de familles musulmanes, cette haine est semée et entretenue, elle fait partie de l’éducation, de la construction d’un rapport au monde, elle est intégrée au devoir religieux.
Qu’après la shoah, on puisse voir revenir les mêmes idées qui ont fait 6 millions de mort dans les camps sans que cela ne suscite rien d’autre qu’une compassion rituelle et une émotion superficielle me rend malade. Il y a une preuve patente de cet état de chose: alors que le fait est connu et reconnu, l’Education nationale ne fait rien pour que les élèves juifs, chassés de l’école publique dans certains territoires, y retrouvent toute leur place. On s’est également rendu compte qu’en France, il existait une alya interne. Autrement dit que sous les menaces et les persécutions, les Français de confession juive quittaient certaines villes et certains territoires car leur sécurité n’y était plus assurée. Cela eût dû nous faire réagir. Et en premier lieu notre gouvernement. Eh bien l’information n’a déclenché aucune action concrète. Les autorités françaises ont abandonné ce combat sans même avoir essayé de le mener. Résultat le phénomène continue à empirer. Ainsi nombre d’enseignants dans certaines zones reculent à l’idée d’évoquer la Shoah dans les collèges et la haine d’Israël comme la falsification historique sur le conflit israélo-palestinien atteint des sommets. La France connait le triste privilège de voir s’installer sur son sol et dans certains médias une propagande destinée à assimiler les juifs à des nazis, en mettant en avant un génocide palestinien qui n’existe pas. Et nul ne réagit au plus haut sommet de l’Etat.
L’humanité n’a même pas l’air d’apprendre de ses crimes. « Plus jamais ça » a-t-on dit, pensé, écrit après les crimes des nazis. Franchement, qui aujourd’hui y croit encore?
Propos recueillis par Jean-Paul Brighelli

mercredi 21 août 2019

Un volcan



Avec Roland Lombardi



Historien des guerres moyen-orientales et consultant en risque pays pour le Proche-Orient et le Sud de la Méditerranée, je suis souvent sollicité pour décrire, analyser et déchiffrer les zones de troubles ou de conflits de ces régions. Quelle ne fut ma (demi)surprise, lorsqu'il y a quelques mois (et cela bien avant la crise des Gilets jaunes) de plus en plus de clients étrangers commencèrent à me demander mon avis sur la situation sécuritaire de mon propre pays ... la France !

Il faudrait être aveugle ou un journaliste d'une célèbre chaîne infos, militant LREM ou « bobo à trottinette » - ce sont souvent les mêmes d'ailleurs -, pour ne pas voir que la France est un volcan. Pourtant, même les avertissements de deux anciens présidents de la République, d'un ex-ministre de l'Intérieur et de certains chefs des renseignements, sur les risques d'embrasement et de « partition » du pays sont encore balayés d'un revers de main. D'autant plus que les évènements de ces dernières semaines ne sont pas faits pour rassurer ! Un président copieusement sifflé et hué sur les Champs Élysée le 14 juillet dernier, les violences et les scènes d'émeutes qui ont émaillé chaque match de l'équipe algérienne durant la CAN, une insécurité exponentielle, un communautarisme conquérant et fragmentant la République -affaire du burkini et des drapeaux algériens puis l'envahissement du Panthéon par des immigrés clandestins -, une image à l'international déplorable, une information « pravdaisée » et enfin, une crise sociale et morale toujours ignorée...

L'État français ne semble plus rien contrôler. Entre la méthode Coué et la politique de l'autruche, nos gouvernants préfèrent rapatrier, au frais du contribuable, les jihadistes français de Syrie et d'Irak ou encore légiférer sur la fessée et multiplier, comme nous l’avons vu cet été, les messages de prévention en vue d'une nouvelle canicule ! Le gouvernement veut être partout sauf là où il devrait être ! Si on rajoute à cela les fastes de François de Rugy, qui suivent pitoyablement les « fight » de Benalla, on comprend mieux pourquoi les hommes et femmes du « nouveau monde » de Macron sont complètement déconnectés du monde réel!

Le malaise des Gilets Jaunes et de la « France périphérique » est beaucoup plus profond que certains ne le pensent. Il ne s'est pas évaporé comme le croient naïvement nos élites. Loin de là. Au contraire, les frustrations, la déception, la rancœur et le désespoir s'enkystent de plus en plus dans les esprits et les cœurs. Face à une classe dirigeante totalement discréditée, perçue comme hors-sol, forte avec les faibles mais faible avec les forts, et confrontés à la « mondialisation malheureuse » et sans aucune alternative politique sérieuse, nul ne peut prévoir la réaction de certains de nos concitoyens désespérés et exaspérés qui, ne se sentant plus représentés, écoutés, protégés, sont habités par une colère qui n'attend malheureusement plus qu'une étincelle pour exploser.

La France est une vieille terre de guerres civiles
La future guerre civile, que certains évoquent, a malheureusement déjà bel et bien commencé sur les réseaux sociaux.

C'est l'ancienne propension gauloise qui marque encore notre pays. Toutefois, de la Commune de Paris à nos jours, en passant par la guerre d'Algérie, mai 68, les émeutes de 2005 ou les Gilets Jaunes, nous l'avons vu, la République sait très bien se défendre. Pour autant, compte tenu de l'atmosphère ambiante et de la fracturation du pays, je reste assez inquiet.

Comme je le répète souvent, aussi étonnant que cela puisse paraître, je suis paradoxalement beaucoup plus optimiste pour le Moyen-Orient que pour mon propre pays...

Que se passera-t-il dans le cas d'une nouvelle crise financière mondiale, lorsque les caddies des grandes surfaces se videront inexorablement ? Qu'adviendrait-il si des groupes du style Brigades rouges ou OAS voyaient le jour, ou encore, plus probable, un attentat islamiste de masse survenait de nouveau ? Quelles seraient les réactions en cas d'attaques multiples sur tout le territoire ? Lorsque les quartiers français s'enflammeront de nouveau comme en 2005, est-ce que le pouvoir donnera l'ordre à la police d'agir avec la même ardeur qu'elle l'a fait avec les manifestants des GJ ? J’en doute fort. La situation actuelle me fait malheureusement penser à la France prérévolutionnaire, lorsque les petits courtisans du Roi creusaient chaque jour un peu plus le fossé qui les séparait du peuple... Selon l'adage, "le poisson pourrit toujours par la tête" !

Or, depuis Gustave Le Bon ou l’expérience de Milgram dans les années 1960, nous savons que le degré d’obéissance d’un individu ou d’une société devant une autorité, dépend de la légitimité de cette dernière. L’histoire des révolutions le prouve et tout bon manager le sait pertinemment : lorsqu’il n’y a plus de confiance et de respect envers cette même autorité, la cohésion du groupe ou d’une nation ne fonctionne plus et les choses peuvent alors tourner très mal...

Certes, Emmanuel Macron n'est pas Louis XVI. L'actuel président français semble bien plus solide que ce pauvre roi. Leur seul point commun serait, à la rigueur, leur « déconnexion du réel ». Peut-être. Ce qui est certain c'est que le locataire de l'Élysée est très intelligent et qu’il a démontré tout son talent de communicant. Assurément, le plus jeune Président français s'est révélé être un très habile politique puisqu'il a réussi à se hisser, de manière fulgurante (grâce aux médias et à l'absence de concurrents sérieux), jusqu'à la magistrature suprême alors qu'il n'était qu'un quasi inconnu il y a trois ans. Chapeau bas l'artiste !

Mais un fin politicien, aussi retors soit-il, n'a pas toujours fait forcément un grand homme d'État. Son principal problème vient du fait qu'il ne perçoit et ne réalise pas à sa juste valeur la profondeur du malaise. Fils de deux médecins d'Amiens et d'une famille bien née, il est en effet le pur produit de la grande bourgeoisie provinciale. Écoles privées, grandes écoles, ENA... Son cursus le mène à devenir haut fonctionnaire dans un grand corps de l'État, en l'occurrence l'Inspection des finances, puis banquier dans une grande banque d'affaires. En politique, du fait de son parcours météorique, il n'a pas eu le cursus honorum traditionnel qui lui aurait au moins fait, en tant qu'élu local, entrevoir la vie et les difficultés de ses administrés. Il est né, a grandi et a toujours vécu dans un microcosme. Celui de l'élite mondialisée, un monde de privilégiés bien différent de celui de la majorité des Français. On le voit, même sa com' ne s'adresse inconsciemment et en définitive qu'à cette partie infime des Français que représentent la grande bourgeoisie et les hautes classes moyennes.

Voilà pourquoi il est coupé des réalités et de la vie réelle de la majorité de ses concitoyens, comme d’ailleurs la plupart de ses équipes de conseillers ou de ses ministres.

Je pense qu'en bon technocrate, spécialiste de la finance, notre président croit que la solution à tous les problèmes sera essentiellement économique. De son point de vue, il est même sûrement sincère dans sa volonté de réconcilier les Français par l'application au forceps de ses réformes socio-économiques si mal reçues. Mais c'est une erreur. Car dans la gestion d'un pays et de son peuple, tout n'est pas qu'économique.

Espérons juste qu'il ne le découvre pas trop tard et trop violemment... Car pour affronter les futurs orages qui pointent à l’horizon, il nous faudra des lions (ou à la rigueur des coqs de combat) et non des paons, qui sont certes les plus beaux des oiseaux, mais qui ne demeurent toutefois, ne l’oublions jamais, que des pintades bien colorées !

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